jeudi 21 octobre 2010

Le marché du travail tico : les normes en question

Le marché du travail tico est, comme tous les marchés des PVD, difficile à analyser. Sa compréhension est rendue complexe par le niveau relativement élevé de sous emploi et d'emploi informel : à ce titre, et quelques soient les indicateurs ci dessous, il faut absolument comprendre les déterminants institutionnels qui structurent ce marché, et en particulier une culture de travail particulière. En effet, le processus de développement ne peut se résoudre à l'accumulation d'indicateurs quantitatifs (nous en aurons notre part...) mais doit aussi intégrer la difficile intériorisation, au delà des normes juridiques (je ne me prononcerai pas sur cet aspect...), d'un système structuré et légitime de normes sociales de travail. Sans être pour autant un socio-économiste, j'oserai affirmer que la vulnérabilité des normes sociales de travail au Costa Rica constitue le  principal obstacle, au delà des déterminants économiques traditionnels, à un "développement équilibré" du marché du travail : que ce soit dans la détermination des statuts (formel-informel), dans les conditions de travail (durée du travail, protection du salarié), dans les règles de fixation des salaires (un vrai casse tête pour tous les habitués du SMIC...), le marché local n'a pas de frontières définies entre informalité et formalité, entre stabilité et précarité, entre intégration et pauvreté. Bien sûr, et pour ne pas faire enrager mes amis ticos, le Costa Rica tire relativement bien son épingle du jeu, en comparaison avec ses partenaires immédiats : cette économie connait sans doute le marché du travail le mieux intégré de la région, toutes choses égales par ailleurs (merci encore une fois à mes ancêtres néo-classiques pour la superbe hypocrisie de la formule...). Mais il faut souligner le paradoxe  entre un système puissant de libertés civiles et sociales et la grande vulnérabilité des actifs sur le marché du travail local : c'est ce qui va nous intéresser ici (je ne vais pas me faire que des amis...).

 Pour faire clair, je présenterai tout d'abord les caractéristiques générales du marché formel du travail tico (activité, emploi, chômage, caractéristiques structurelles et impact de la conjoncture) : flexibilité du marché et vulnérabilité de la main d'oeuvre, telles sont les deux caractéristiques de l'emploi formel tico.
Ensuite, je m'intéresserai surtout à  l'emploi informel, et à la faiblesse chronique de normes stables du travail.

Un prolégomène : il ne m'appartient pas de déterminer ce que doit être un "développement équilibré", mais l'économie costaricienne prétend s'incorporer avec succès au capitalisme mondialisé. A ce titre, la conception de la régulation du "marché du travail" (Keynes, pardonne nous de nos péchés, amen) doit être rapprochée d'un modèle latino-américain d'emploi, celui de la flexibilité quantitative, même si un effort considérable de qualification est en cours au Costa Rica.

I Les caractéristiques générales du marché du travail : emploi et chômage

Commençons par l'emploi et la population active :
La transition démographique costaricienne est achevée, avec une natalité faible (16,65‰ en moyenne sur la période 2005-2010) et une mortalité faible (4,07‰ sur la même période. Un chiffre plus faible qu'en France -aux alentours de 8,5‰ ...). La fécondité est en chute, avec un niveau qui atteint à peine le seuil de renouvellement de la population : d'où l'importance de l'immigration nica, en particulier... Aujourd'hui, le taux global de fécondité est de 1,96 enfant par femme en moyenne, malgré une législation très répressive sur l'IVG et une grande difficulté d'accès à la contraception pour les femmes. Même si cet indicateur recouvre de très importantes disparités socio-démographiques, il manifeste une tendance générale à l'autonomisation des femmes (ou d'émancipation, c'est selon l'angle d'attaque) qui va bien évidemment avoir une influence sur le niveau et les caractéristiques de la population active. Rien de neuf à cela, toutes les "Gender Studies" et les économistes du développement soulignent la dialectique positive de l'émancipation et du développement.
Source : CEPAL, 2010

Le Costa Rica connait les taux les plus faibles de la région, marque s'il en est de l'état d'avancement social du Costa Rica, régulièrement salué par toutes les OIG et ONG. Remarquons cependant que le niveau élevé de fécondité de 1950 à 1990 (entre 3 et 6, 7 enfants par femme en moyenne sur cette période) a des conséquences non négligeables sur la croissance de la population active, et ce jusqu'à aujourd'hui. Le taux de croissance de la population active reste ainsi plus élevé que le taux moyen en Amérique Latine, et voire même plus élevé que ses voisins sur la période 2000-2010, par un effet classique d'arrivée sur le marché du travail de population des générations nombreuses précédentes.

 
Ainsi, la force de travail a augmenté de 50% entre  1999 et 2008, soit 657 000 travailleurs en plus :

Mais la croissance de la force de travail est aussi le résultat de l'activité féminine qui a fortement progressé : la force de travail féminine a ainsi cru de plus de 73% entre 1999 et 2008 (contre moins de 40% pour les hommes), soit une progression de 23 points supérieure à celle de la  la force de travail, tous sexes confondus.  Deux causes : une élévation du niveau de qualification féminin associé à une émancipation renforcée par une politique volontariste d'appui aux femmes (il y a ici un vrai travail d'appui aux femmes, qui trouve aussi sa source dans les ressources d'organisation communautaires : lutte contre les violences domestiques, débat sur la double journée, politiques d'insertion, etc...) : très symptomatiquement de la démocratie locale, cet objectif fait consensus. Nuançons nos propos : le niveau de participation des femmes à la vie économique reste encore relativement faible, rapporté à la moyenne de l'Amérique Latine et des voisins immédiats. Ne nous trompons pas : la femme costaricienne est loin de connaître  le sort des Européennes, et reste très vulnérable sur le marché du travail, et dans la société en général! Les femmes sont ainsi confrontées à de plus grandes difficultés d'insertion sur le marché du travail, dans le cadre d'une division domestique des tâches qui les enferme souvent à la maison : parler de machisme enraciné constitue-t-il un manquement à mon devoir de réserve? Vu l'ampleur du débat local, je ne pense pas. Elles sont aussi les premières victimes de la crise : elles sont les premières à se retirer du marché du travail. Rapporté à l'Amérique Latine (Cône Sud en particulier). Voilà un rapport récent sur les tendances récentes de l'insertion des femmes sur le marché du travail costa ricien


Evidemment, il y aussi le rôle de l'immigration : je le réserve pour un article spécifique!

Le taux de participation est donc relativement faible, en raison de la moindre participation des femmes : moins élevé qu'en Amérique Latine, il illustre les inégalités économiques et sociales de sexe. Nuançons la aussi : il manque les taux d'activité et de participation par âge. A noter dans le graphique : le taux de participation a diminué dans la crise. Il faut voir là la perméabilité des frontières entre activité, chômage et inactivité : ce halo du chômage (merci Freyssinet) est renforcé par la flexibilité précarité d'un marché du travail concrètement dérégulé. En clair, les actifs les plus vulnérables (et sans doute, parmi eux, beaucoup de femmes) se sont retirés du marché plutôt que d'être confrontés au chômage.


Continuons par le chômage :
La mesure du chômage est un éternel défi, et à fortiori dans les PED :
- D'abord, parce que les indicateurs statistiques ne sont pas toujours des plus fiables. Au Costa Rica et en Amérique Latine, cependant,  l'énorme travail de modernisation et de recensement statistique porte ses fruits : la qualité impressionnante de l'appareil statistique latino-américain (Estado de la Nacion -un bel objet statistique, qui recense, classe et présente toute une série d'indicateurs nationaux et centroaméricains-, INEC, SIECA, CEPALSTAT-CEPALC- notre Olympe d'économistes...) permet d'obtenir des informations rigoureuses, toutes choses égales par ailleurs.
- Ensuite, parce que l'existence d'un important secteur informel rend l'évaluation du chômage évidemment incomplète (lorsqu'on exclut 40% de la main d'oeuvre...)
- Enfin, parce que la forte flexibilité du marché du travail disperse les normes d'emploi, entre emploi et sous emploi, chômage et précarité. On distingue ainsi ici dans les statistiques le sous emploi visible (où on travaille moins que désiré) et le sous emploi invisible (où on gagne moins que désiré) : la notion de travailleurs pauvres est ici complexe...
Le taux de chômage global reste, dans le cadre des limites préalablement évoquées, relativement faible :


Mais sur le long terme, on  peut constater une tendance à la croissance du chômage, ce qui ne signifie pas nécessairement une simple dégradation du marché du travail, mais exprime sans doute aussi (et surtout) le transfert d'une partie des actifs du secteur informel vers le secteur formel, et partant, une plus grande exhaustivité statistique  (Source : IABD, 2010) :



Bien sûr, la crise récente a provoqué une forte progression du chômage : il s'établit à 7,8%, ce qui représente un record historique sur les 20 dernières années. La crise a évidemment affecté de manière inégale les actifs, frappant comme d'habitude les femmes et/ou les non qualifiés :

- Pour les femmes, le taux de croissance du chômage a été beaucoup plus élevé que celui des hommes sur l'année 2009. Comme d'habitude, la moindre qualification des femmes et la  discrimination sexuelle ont joué un rôle fondamental  dans la progression du chômage féminin qui est la plus forte de l'Amérique Latine. Mais ceci n'explique pas tout et nous verrons après comment le mode d'insertion dans la mondialisation agit sur aussi ce chômage :


- Le chômage frappe plus durement les non qualifiés (décidément, l'économie du travail n'est qu'un long bégaiement...) :

samedi 21 août 2010

Petite présentation du Costa Rica III : économico, etc...


On ne se refait pas : vous allez donc avoir droit au petit passage économique sans lequel le vrai sciencespotard (bordelais!) n'existe pas...Une économie très intéressante, en vérité, à la fois exemplaire des aléas des stratégies de développement en Amérique Latine et très spécifique, avec des problématiques de croissance et de développement durable très contemporaines.

I Rappels historiques : On distingue traditionnellement trois grandes périodes dans l'histoire économique du Costa Rica (Gonzàlez et Monge-1995) :

1) L'économie agricole d'exportation (1870-1950) : essentiellement centrée sur le café, elle connaîtra un processus de diversification vers la banane. Si le café est introduit dès le début du XVIIIème siècle, il ne connait son essor qu'à partir de 1808 sous l'égide du gouverneur Tomàs de Acosta. Il devient un produit d'exportation vers 1840 sous l'impulsion d'une politique volontariste des cafetaleros, ces familles qui joueront un rôle déterminant dans la libéralisation du régime -tant du point de vue économique que politique (Etat libéral-patriarcal). La dépendance des cafetaleros vis à vis du marché européen, puis nord américain les pousse ainsi à une politique d'innovation (je ne vous assommerai pas avec les innovations de procédé, il n'y a guère que moi pour m'y intéresser, je crois...) et une politique d'infrastructure pour faciliter les exportations (route de Puntarenas). Pour résumer, il s'agit d'un " modèle historique structurel primo-exportateur de type agraire, basé sur une agriculture dans une économie intégrée, qui a, au centre de toute l'activité économique , le café" (Antonio Luis Hidalgo Capitan, Thèse, Complutense-Madrid, 2000). A partir de 1870, le modèle s'étoffe en intégrant la banane dans un modèle bi-exportateur café-banane, et ce, jusqu'en 1948 : 



 2) Une stratégie de développement centrée sur la substitution aux importations (1950-1985) (voir le paradigme structuraliste - CEPALC, pour les connaisseurs). On distingue quatre sous-périodes :
- La période de transition du modèle agricole d'exportation vers un modèle de substitution aux imports (1950-1963) : la chute des prix agricoles et l'impact de la IIde guerre mondiale génèrent une crise du secteur agricole, en particulier pour les principales entreprises familiales. L'impératif de diversification ainsi que l'industrialisation du Nicaragua et du Salvador  poussent les élites gouvernementales à développer une stratégie de substitution d'abord basée durant cette période sur la mise en place d'une série de barrières protectionnistes -tarifaires et non tarifaires- et de mesures incitatives à la production nationale (loi de 1959 sur la Protection Industrielle et le Développement), ainsi que sur une stratégie d'intégration économique au sein de l'Amérique Centrale.
- L'incorporation dans les Marché Commun d'Amérique Centrale - Mercado Comùn Centro Americano (1963-1973) : la recherche de débouchés pousse le Costa Rica à adhérer au MCCA en 1963. Cette phase est marquée par une croissance forte et heurtée, essentiellement liée à l'essor et aux fluctuations des marchés d'exportation d'Amérique Centrale, ainsi qu'à la croissance du marché intérieur.

 A partir de 1959, la dynamique d'industrialisation se traduit par un mouvement de ciseaux, avec une décroissance forte du poids du secteur agricole dans le PIB au profit de l'industrie manufacturière et des services (Juan Carlos Obando, 2006 : attention à l'erreur dans l'intitulé : il faut lire 1955-1983).

 Cette mutation se fait au prix d'une intervention croissante de l'Etat et un creusement de la dette extérieure (+450% entre 1959 et 1970, calculs personnels, d'après Hidalgo Capitan et BCCR, 2000). La dette extérieure va ainsi très rapidement entraver le développement :


 La décomposition du SMI à partir de 1971, l'envol des prix du baril et  la montée des conflits dans la région ( conflit Honduras-Salvador, tensions au Nicaragua, etc...) affectent la croissance costaricienne : tensions inflationnistes, déficit commercial, dégradation des termes de l'échange (source : Hidalgo Capitan, 2000).


- L'Etat entrepreneurial et les difficultés de la politique économique (1973-1980) : dans le contexte de crise, l'interventionnisme de l'Etat se renforce avec la création de la Corporacion Costarricense de Desarrollo (CODESA) en 1972 (en français, Corporation Costaricienne pour le Développement).Ce fonds d'investissement public-privé va très vite passer sous le contrôle de l'Etat, qui va multiplier les prises de participation. Ainsi se développe un agent central de l'économie, présent aussi bien dans l'activité industrielle que dans les services financiers (le crédit, en particulier) : l'investissement public représenta ainsi jusqu'à 18% de l'investissement total sur la période 76-79. L'extension de la Protection Sociale aux plus pauvres et au monde rural accompagne ainsi, par exemple, une dépense publique croissante : évidemment, le déficit public et la dette explosent sur cette période...

 - La crise (1980-1984) : la croissance des déficits et de la dette, conjuguée à une politique monétaire très accommodante  dans un système de change fixe vont précipiter l'économie costaricienne à la faveur du retournement de la conjoncture. L'appréciation brutale du $ à partir de 1979 et l'envol des taux d'intérêt obligent à une dévaluation du colon (la monnaie locale) : explosion du prix des importations et de l'encours de la dette en colones, telles sont les conséquences immédiates. Le retournement est brutal : je vous laisse regarder les chiffres, tels que les présente Juan Carlos Obando (2006) :


Face à la dégradation brutale des fondamentaux (dépression et poussées inflationnistes, explosion de la pauvreté, etc...), la réponse gouvernementale va être vigoureuse : le Programme de Réactivation et de Stabilisation Economique - SER (1982) va se déployer, sous la surveillance du FMI, autour de deux axes :

- Une renégociation de la dette : la dette va être rééchelonnée par un accord négocié avec le Club de Paris en 1983. Par ailleurs, dès 1982, le FMI accorde un prêt de 100 millions de dollars, précédé par l'USAID (20 millions). Evidemment, la contrepartie est rigoureuse en termes d'ajustement structurel sur la base de politiques monétaires et budgétaires restrictives : hausse des impôts et des taxes, augmentation des tarifs des services publics, etc....
- Pour compenser la diminution des salaires et protéger l'emploi, un Plan de Compensation Sociale et un Plan de Sauvetage des Entreprises sont mis en oeuvre : en particulier, l'indexation des salaires sur un panier de produits alimentaires a permis de renouer avec une croissance des salaires réels.

3) Une stratégie de promotion des exportations (1984-2010)
Sous l'impulsion des programmes d'ajustement structurel (Banque Mondiale-SAP I, II et III, 1985,1988 et 1995), le modèle costaricien de développement va changer de cap, dans le sens d'une stratégie d'arrimage au marché mondial, plus couramment appelée stratégie de promotion des exportations. L'impératif de croissance va ainsi se conjuguer avec une ouverture centrée sur l'insertion dans la division internationale des processus productifs : plus simplement dit, l'ouverture du marché national passe aussi par la diversification des exportations, au delà du seul secteur primaire, en particulier dans le cadre d'une stratégie de pays atelier (exemple : l'implantation d'Intel).
Concrètement,  que signifie cette stratégie de promotion des exportations pour le CR? (Monge-Gonzalez et Monge Arino, World Bank Research Working Paper 3591, Mai 2005)
-Une réduction des barrières protectionnistes et des "distorsions" de marché (monopole d'importation des produits agricoles, par exemple),  avec une diminution forte des droits de douane:

- Une stratégie de promotion des exportations plutôt agressive, avec une politique de subventions aux exportations de produits finis, la création de zones franches (FZR, 1981) et un régime fiscal favorable aux maquilas (Régime d'Admission Temporaire : exemption de taxes en cas de réexportation). L'impact su les IDE a été positif :

Elle s'est accompagnée d'un réel effort de réorientation des exportations et des spécialisations (réduction des exportations traditionnelles -café, banane, etc...), avec une stratégie de pays atelier :

 Répartition des exportations de biens par secteur, en %, 2007 (Source :Procomer)

 





Les exportations de composants électroniques représentaient ainsi 26% des exportations totales en 2007 : cette stratégie de maquilas peut être comparée à la stratégie mexicaine. Mais la dépendance vis à vis des Etats Unis est forte : L'Amérique du Nord représente ainsi 41% des exportations, et l'Amérique Centrale 17% en 2007.
Principaux marchés d'exportation, en %, 2007 (Source : Procomer)





- Une intégration économique régionale, avec en particulier la ratification, après un débat vif et un référendum en 2007, du Central America Free Trade Agreement (CAFTA) avec les Etats Unis dont les conséquences sont importantes sur la libéralisation d'un certain nombre de secteurs en situation de monopole ou quasi monopole (téléphone-ICE- et assurances-INS-, en particulier).
- Une réforme de l'Etat sous plusieurs angles :
a) Une réforme fiscale vers plus de progressivité, mais qui s'est rapidement traduite par une hausse de la Tva, pour compenser la faiblesse des rentrées fiscales directes.
b) Une réduction de la dépense publique, à travers une réduction des effectifs (mobilité volontaire, par exemple).
c) Une privatisation des entreprises publiques, avec essentiellement, le difficile démantèlement du Codesa et de ses entreprises : en témoigne encore aujourd'hui, les difficultés qu'ont les entreprises privées d'assurance ou de fournitures de services informatiques à concurrencer les anciens monopoles (ICE ou INS).
 
- Un processus de dollarisation, favorisé par un système de crawling peg [parité glissante (ou crawling peg) : le taux de change est en principe fixe, mais la parité de référence est modifiée régulièrement selon des paramètres prédéterminés (crawling peg au sens propre) ou de manière plus discrétionnaire (adjustable peg) afin de compenser partiellement au moins les écarts d'inflation avec le pays d'ancrage.] . Si l'alignement du colon sur le $ a permis de juguler l'inflation et la volatilité de la dette, la dollarisation n'est pas sans risque  : 62% des dépôts onshore et offshore sont exprimés en $, ce qui réduit d'autant l'autonomie de la politique monétaire et expose l'économie costaricienne aux fluctuations de son (puissant) voisin... Depuis 2006, un système de crawling band a succédé au crawling peg, avec la création d'un couloir de change  dans lequel les banques de 2nd rang sont libres de fixer les prix de vente et d'achat du dollar : l'objectif est depuis cette date de parvenir -un jour ou l'autre- à un système de change flexible.
(Source : Costa Rica country economic memorandum: the challenges for sustained growth, Document Banque Mondiale,  n°36180-CR, 2006. Un excellent travail de fond!!)


                                                               

II  L'économie costaricienne  aujourd'hui : quel bilan?


 D'abord les fondamentaux : l'économie costaricienne a des résultats globalement supérieurs en termes relatifs (par rapport à ses voisins latino-américains), ce qui ne la met pas à l'abri de déséquilibres économiques et sociaux relativement importants, en raison même de sa vulnérabilité relative aux cycles économiques mondiaux : l'ouverture au marché mondial a un prix...

1) La croissance économique est traditionnellement forte, si on la compare à ses partenaires d'Amérique Centrale. Mais elle reste aujourd'hui inférieure à la moyenne de l'Amérique Latine dans son ensemble. Bien sûr, cette différence trouve son explication la plus évidente dans la faiblesse relative de la croissance des partenaires, dont les économies sont structurellement sinistrées -Nicaragua, Salvador- et inversement, dans la force du modèle de croissance brésilien ou uruguayen. Par ailleurs, la crise récente a affecté l'économie costaricienne par trois canaux : la réduction de la demande externe de biens (2008-2009), la diminution des flux touristiques et l'assèchement relatif des flux d'investissement direct. Mais la reprise de la demande mondiale depuis le début de l'année et les politiques contra-cycliques (augmentation des salaires dans la fonction publique et accroissement des dépenses sociales) ont permis d'amortir le choc de croissance à -1,1% sur l'année 2009.

                                                                 Source : PNUD et Eclac, 2010

Mais le débat est vif sur les sources de la croissance de long terme : pour la Banque Mondiale (2006),  les gains de productivité globale des facteurs expliquent en grande partie la croissance de long terme, pour d'autres auteurs, celle-ci reste relativement faible en raison de l'insuffisance de productivité du capital dans une économie où la tertiarisation a joué un rôle important dans la croissance (services marchands et non marchands). En tout état de cause, le PIB par tête  a augmenté plus vite que ses partenaires entre 1990 et 2008 : +66%. Nous reviendrons plus tard sur les facteurs de la croissance (je ne me retrouve pas encore dans des statistiques contradictoires : shame on me!).


 Dans la crise récente, la consommation publique et privée est restée le principal ressort d'une économie menacée par l'effondrement de l'investissement (il y a beaucoup à dire sur les politiques contra-cycliques récentes : on y reviendra -encore!- les nuits vont être courtes)

2) Le taux de chômage est relativement faible, mais nous resterons prudents sur son interprétation : d'abord, parce qu'il faut toujours tenir compte de l'importance du travail informel (près de 40% de la population active au Costa Rica, source OCDE, 2008),  des difficultés concrètes de recensement, du sous emploi, etc.. Cet aspect est central dans le processus de compréhension des mécanismes d'ajustement du marché du travail en Amérique Latine et au Costa Rica : nous y reviendrons également. Mais, toutes choses égales par ailleurs (tous les économistes apprécieront l'hypocrisie ontologique de la formule canonique), le Costa Rica connait un chômage plus faible que la moyenne de l'Amérique Latine et Caraïbe :



Il faut sans doute y voir le résultat d'un niveau de qualification et de formation plus élevé que la moyenne d'Amérique Centrale (voir la théorie de la croissance endogène-Lucas et Romer) et d'un modèle de croissance vigoureux, soutenu par une progression des salaires réels, qui entretient un niveau de demande interne et externe relativement élevé. Reste à nuancer ce constat en rappelant que le choc récent a eu des conséquences bien plus fortes sur le Costa Rica que sur ses partenaires, puisque  la croissance du chômage y a été nettement plus forte, et en particulier pour les femmes (+3,7% en 2009, soit 3 points de plus que la variation moyenne du taux de chômage féminin en Amérique Latine et Caraïbe) : comme quoi, au royaume du développement durable, il y a encore beaucoup à faire pour réduire les inégalités de genre, au delà des écarts de qualification hommes/femmes...



Il faut noter que la rigidité du marché du travail légal est relativement forte, selon la Banque Mondiale, même si elle reste dans la moyenne des pays d'Amérique Latine : le ranking Doing Business 2010 est mesuré... même si il y a beaucoup à dire sur les critères de la Banque Mondiale.



3) L'inflation est globalement maîtrisée : la phase d'hyperinflation du début des années 80 a laissé des traces profondes en Amérique Latine (j'ai d'ailleurs éliminé le Nicaragua du graphique, son taux d'inflation s'établissant  jusqu'à 7000%!!!!). Au Costa Rica, le taux d'inflation reste relativement élevé aujourd'hui par rapport à ses partenaires, en raison de deux phénomènes : une consommation en croissance et une progression soutenue des salaires réels. Inflation par la demande et inflation par les coûts internes et externes : la lutte contre l'inflation est une priorité locale. Les politiques d'ajustement structurels, parmi lesquelles figurent au 1er rang les politiques monétaires (taux d'intérêt directeur relatif très élevé), ont joué un rôle central dans la stabilisation de l'inflation : en 2009, le taux d'inflation s'est établi à 4,9%. Aujourd'hui, semble-t-il possible d'affirmer que les tensions inflationnistes sont maîtrisées? C'est ce ce que pense le gouvernement, qui se réjouissait récemment de la faiblesse du taux d'inflation, le plus bas depuis 32 ans...





4) Le commerce extérieur : croissance et déséquilibres
Deux constats :
a) La stratégie d'ouverture  de l'économie costaricienne a gonflé les échanges commerciaux  : les exportations ont crû en valeur de 500% entre 1990 et 2009 (!), mais les importations ont crû de 402% sur la même période (calculs personnels, d'après Eclac 2010). D'où un solde commercial et un solde courant chroniquement déficitaires :



Il faut voir dans ce déséquilibre le résultat des stratégies de spécialisation menées au Costa Rica :
- Une spécialisation centrée sur l'insertion dans les chaines de valeur des multinationales : une partie importante des importations consiste en composants électroniques divers (12% des importations totales) qui seront en grande partie assemblés et réexportés (stratégie de maquiladora - ou DIPP)
 - L'absence d'une production nationale de biens intermédiaires et de biens d'équipement renforce le déséquilibre de la balance courante.


b) L'insertion dans le marché mondial a modifié la nature des spécialisations, mais pas la dépendance vis à vis des Etat-Unis : pour faire simple, on ne leur vend plus simplement du café ou des bananes, mais de plus en plus de composants électroniques. Si diversification il y a, c'est vers l'Amérique Latine et Centrale, ou vers la Chine, dernier partenaire à la mode (si on en croit la multiplication des cours de chinois commercial...).

Le commerce régional reste modeste, même si l'Amérique Latine et Centrale reste le 2nd partenaire commercial :


L'économie costaricienne est une économie extravertie, insérée dans les chaines de valeur mondiales, ce qui augmente sa vulnérabilité dans un contexte de ralentissement de l'économie mondiale. Mais les fondamentaux économiques restent sains, surtout si on tient compte d'un comportement rigoureux des autorités monétaires et budgétaires.

5) Des politiques économiques rigoureuses: je les ai déjà évoquées rapidement (là aussi, j'y reviendrai). Je voudrais juste rappeler les fondamentaux, qui sont en général considérés comme "sains" (concept qui ne laisse pas de m'inquiéter en général)...
- Un effort considérable de réduction de la dette a été menée, en particulier à destination de la dette externe dont le poids dans la dette totale a été considérablement réduit. On assiste donc à une diminution du poids de la dette totale depuis 20 ans : elle représente aujourd'hui 27,4 % du PIB contre 56,4% du PIB en 1991.


- Le solde budgétaire reste déficitaire, et la crise a aggravé celui-ci (cf politiques contra-cycliques). Et les défauts structurels (évasion) et conjoncturels (baisse des rentrées) ne doivent pas cacher les bons résultats  budgétaires (un solde primaire positif jusqu'en 2009), fruit de politiques rigoureuses qui ont permis  de faire face à la crise récente, mais qui ont aussi des conséquences discutables sur les infrastructures  et le processus de développement (voir la question des  infrastructures routières avec l'ouverture de nouvelles routes déjà bloquées par les éboulements et les inondations)


Plus généralement, il y a beaucoup à dire sur un modèle de croissance original, où l'Etat a eu un rôle central dans les processus de développement, avec un modèle social et de développement durable qui font la fierté des costariciens. Mais on ne peut se dispenser de s'interroger sur la solidité d'un modèle de croissance à crédit, où les inégalités de revenu sont aggravées par des niveaux de prix très élevés qui sont le résultat, aussi, de pratiques oligopolistiques voire monopolistiques totalement archaïques (exemple de l'ICE et de la distribution) et où le développement durable rime souvent avec dévastation des systèmes productifs locaux (tourisme, éco-tourisme, réserves, etc...)...

Voilà, j'en ai fini, avec la présentation générale : à venir, des synthèses (développement durable, pauvreté, politiques économiques, spécialisation, etc...) et des petits billets plus informatifs (des impressions "touristiques, des analyses de prix, les aléas des visas, la joie du bus et autres amusements...)!!
















































































mardi 10 août 2010

Petite présentation du Costa Rica II : populo-politico, etc..

Je continue ma présentation du Costa Rica sous l'angle sociétal, histoire d'achever les généralités.

I La population, tout d'abord :
Population : 4 516 220 habitants (en juillet 2010, toutes les statistiques qui suivent proviennent de la CIA -World Factbook-). 
Structure par âge : 0-14 ans : 25% ; 15-64 ans : 68,8% ; + 65 ans: 6,2%
Age moyen : 28,4 ans 
Densité : 84 hab./km²
Espérance de vie des hommes :
74,8 ans (en. 2009)
Espérance de vie des femmes :
80,2 ans (en. 2009)
Taux de croissance de la population :
1,34% (en. 2009)
Taux de natalité :
16,65 ‰ (en. 2009)
Taux de mortalité :
4,29‰ (en. 2009)
Taux de mortalité infantile :
9,7 ‰ (en. 2009)
Taux de fécondité :
1,93 enfants/femme (en. 2009)
Taux de migration :
1,1 ‰ (en. 2009)

Il faut préciser trois aspects :
- Les composantes ethniques de la population
94 % des habitants sont blancs ou mestizos, 3% sont noirs (essentiellement sur la côte atlantique), 1% sont amérindien, et 1% sont chinois (mais il y a fort à parier que cette catégorie regroupe indistinctement tous les asiatiques, sans distinction de nationalité ou d'origine)


1) Les Amérindiens sont peu nombreux ( les chiffres  donnent entre 27000 et 64 000 ...) et sont parqués dans des réserves : le débat préservation - intégration existe aussi au Costa Rica et fait l'objet d'une vraie attention gouvernementale, mais qui ne trouve pas forcément d'écho massif dans la population. ( Un bon article en espagnol : Les réserves indigènes : un état des lieux )

La colonisation espagnole a drainé dans son sillage des épidémies dévastatrices et un système d'esclavage qui a lourdement obéré la survie des populations amérindiennes : à cette occasion, nombre d'amérindiens se sont réfugiés au Sud, dans les montagnes de Talamanca, ce qui explique leur concentration actuelle dans cette partie du territoire. Aujourd'hui, selon le gouvernement costaricien,  27% seulement des indigènes ont un logement décent... 73% n'ont qu'un accès réduit à l'eau, l'électricité et aux services de santé et d'éducation. Une certaine autonomie leur est concédée, pour autant, et des efforts de consultation des communautés sont mis en oeuvre.
2) Les Afro-américains sont évidemment issus de l'esclavage et se concentrent sur la côte caraïbe (Limon) : la dernière vague de migrants afro-américains, la plus nombreuse, est arrivée vers 1890 pour participer, en tant qu'ouvriers libres, à la construction du chemin de fer et aux activités bananières. Ce n'est qu'en 1949 qu'ils obtinrent le statut complet de citoyens costariciens. Ils sont confrontés à un ostracisme, qui confine souvent à l'exclusion. L'UNHCR précise :" Despite an apparently progressive policy towards minorities, Afro-Costa Ricans and the indigenous peoples in the country have always experienced exclusion from the country's relative wealth." (UNHCR : http://www.unhcr.org/refworld/docid/4954ce31c.html)


- Le problème de l'immigration :
Je ne m'étendrai pas sur le sujet : l'OCDE a fait un très bon travail de synthèse (Les migrations au Costa Rica OCDE). Deux remarques cependant :
1) Le dénombrement des migrants au Costa Rica est complexe : les chiffres oscillent entre 200000 et 400000  immigrants, selon les estimations et selon que l'on prend en compte la main d'oeuvre clandestine (plus ou moins 170000 personnes) ou pas. En tout état de cause, il faut bien distinguer une immigration de survie -essentiellement des nicaraguayens, fuyant la guerre civile entre les sandinistes et les contras (1981-1990) et/ou la pauvreté, mais aussi des colombiens, etc...- et une immigration de nature héliotropique, essentiellement nord américaine...
2) Le statut des "Nicas" est ici très défavorisé, non seulement parce que leur statut économique les relègue au rang de pauvres dans une société plutôt riche, mais parce qu'ils sont en butte, aussi, à une xénophobie marquée, qui mêle stéréotypes ("Cara de Indio", voilà comment on qualifie les nicaraguayens) et angoisses sécuritaires, qui les associent aux délinquants... Rien de neuf sous le soleil, me direz vous, on se croirait en France, ou en Italie...
Je reviendrai plus tard sur ce sujet, tout à fait central...

- L'urbanisation
La population costaricienne est de plus en plus urbanisée :

Elle se concentre essentiellement dans quelques villes (en 2005):


II L'histoire :

 Je reprendrai un texte synthétique de l'Université de Laval (Québec) qui pose les bases historiques essentielles (source : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/costa_rica.htm)


"Les Amérindiens habitent le Costa Rica depuis au moins 5000 avant notre ère, mais ils ont toujours été peu nombreux par comparaison avec les civilisations précolombiennes comme les Mayas. Bien que les premiers habitants du pays aient résisté énergiquement aux conquistarores et aux missionnaires espagnols, ils ont fini par succomber aux épidémies, sont morts au combat ou ont quitté la région pour des lieux plus accueillants. C'est ainsi que l'on peut expliquer le nombre peu élevé de ces autochtones aujourd’hui.

1) La période coloniale

D'après les historiens, Christophe Colomb aurait débarqué sur la côte costaricaine près de Puerto Limón en 1502; il appela le pays «Huerta», c’est-à-dire «le verger» ou le «jardin». Mais la conquête espagnole n'a pas eu lieu immédiatement, elle viendra un peu plus tard en raison de la forte hostilité des Amérindiens et de la présence des maladies tropicales.
C’est Juan de Cavallón qui mena les premiers colonisateurs victorieux au Costa Rica en 1561. Juan Vázquez de Coronado lui succéda en 1562 et fonda Cartago dans les montagnes où les conditions de vie étaient plus saines; c'est lui qui appela la région Costa Rica, «la côte riche». Au point de vue administratif, à partir de 1570, le Costa Rica fit partie de la Capitainerie générale du Guatemala pour le compte de l'Espagne, dans la vice-royauté du Mexique. Cependant, son éloignement de la ville de Guatemala et son apparent manque de richesse lui permirent de se développer sans subir la même intervention directe que les autres provinces d’Amérique centrale. La ville de Heredia fut fondée en 1717, San José en 1737 et Alajuela en 1782.
Déjà, à cette époque, les maladies amenées par les Européens avaient pratiquement exterminé toute la population autochtone. Comme les indigènes étaient peu nombreux, les représentants de l’autorité espagnole et de l’Église les laissèrent se développer à l’écart du courant historique de l’Amérique latine. Au cours de l'histoire coloniale, même les Européens demeuraient peu nombreux. Or, étant donné que ceux-ci ne pouvaient assumer économiquement le transport des esclaves noirs provenant d'Afrique, ils se contentèrent d'en faire venir quelques centaines de la Jamaïque. Entre-temps, les Européens avaient imposé l'usage exclusif de la langue espagnole dans l'administration de la colonie.

2) L’indépendance

L'Amérique centrale obtint son indépendance de l'Espagne en 1821. Par la suite, le Costa Rica fit brièvement partie de l'Empire mexicain d’Agustín de Iturbide, mais ce dernier fut aussitôt renversé en mars 1823 par un officier (Santa Anna) qui instaura la république du Mexique en 1824. À partir de ce moment et jusqu’en 1838, le Costa Rica devint l’un des cinq États de la Fédération des Provinces-Unies d’Amérique centrale, fondée par le Libertador vénézuélien Simon Bolívar. Le Costa Rica forma une république indépendante en 1838. Quelques années plus tard, en 1843, le pays développa la culture du café. En même temps, les villes de Cartago, San José, Heredia et Alajuela se disputèrent la suprématie du pays. Ce fut San José qui parvint à prendre le contrôle du pays tout en installant un régime démocratique qui se transforma en dictature. Celle-ci fut renversés en 1859 par un gouvernement libéral. En 1869, l'enseignement devint obligatoire et gratuit; selon les autorités costaricaines, tout citoyen devait pouvoir lire, écrire et compter.
Sous le mandat de Tomás Guardia (1870-1882), le Costa Rica bénéficia de larges investissements étrangers dans les chemins de fer et autres équipements publics. L’époque fut marquée par l’essor de la culture du café qui devient un important produit d’exportation. La croissance des exportations de café, grâce au chemin de fer de San José à Puerto Limón, et de bananes introduites en 1878, amena la prospérité et une augmentation de la population. Toutefois, l’implantation de la United Fruit Company, une compagnie américaine créée par l’homme d’affaires Minor C. Keith contribua à cet essor, mais rendit également le Costa Rica plus dépendant des marchés et des capitaux étrangers, de même qu’avec la langue anglaise. Cette réussite économique fit souvent comparer le Costa Rica à la Suisse. La vie politique du Costa Rica était plus calme que dans les autres pays d'Amérique latine, et les gouvernements furent élus démocratiquement, sauf au cours de brèves périodes, par exemple, les dictatures du général Federico Tinico (1917 à 1919), et la junte de José Figueres Ferrer en 1948. Celui-ci adopta une constitution libérale et accorda le droit de vote aux femmes et aux Noirs. Il interdit le renouvellement successif du mandat présidentiel plus d’une fois et, une première en Amérique latin, il abolit l'armée. Cette situation nique avait le mérite d'alléger le budget nationale, mais aussi l'inconvénient d'aggraver la dépendance du pays à l'égard des États-Unis.
Néanmoins, le Costa Rica demeura le pays le plus démocratique de toute l’Amérique latine. Le Parti de la libération nationale (Partido de Liberación Nacional, PLN), dirigé par José Figueres Ferrer devint pour une longue période le parti dominant du pays. José Figueres Ferrer fut président de 1953 à 1958, puis à nouveau de 1970 à 1974. Il est considéré comme l'un des personnages les plus importants de l'histoire costaricaine et décédera en 1990.
Au début des années quatre-vingt, le Costa Rica connut une croissance démographique rapide, qui contribua à l’essor économique du pays. Le PLN revint au pouvoir en 1982, avec l’élection à la présidence de Luis Alberto Monge Alvárez ; Óscar Arias Sánchez, également du PLN, lui succéda en 1986 et gouverna le pays jusqu'en 1990; il consacra son mandat à tenter de restaurer la paix en Amérique centrale et à assurer la stabilité politique de la région. En 1987, Óscar Arias Sánchez obtint le prix Nobel de la paix pour avoir été l'artisan des processus de paix enclenchés pour résoudre les conflits armés qui affectaient l'Amérique centrale durant les années quatre-vingt, notamment pour son opposition au soutien des États-Unis aux Contras dans la guerre civile qui avait lieu au Nicaragua. Puis Rafael Angel Calderón Fournier, fils de l’ancien président Rafael Calderón, remporta l’élection présidentielle de février 1990 pour l’Unité sociale-chrétienne. En 1994, ce fut le tour de José-Maria Figueres Olsen, fils de l’ancien président José Figueres Ferrer, d'être élu président. En février 1998, Miguel Angel Rodríguez lui succéda en s’engageant à combattre la corruption et la délinquance, et à prendre des mesures pour réduire la dette et l’inflation. En 2002, Abel Pacheco de la Espriella, s'imposa comme leader de l'Unité sociale chrétienne (Partido Unidad Social Cristiana) et fut président de la république du Costa Rica jusqu'en mai 2006, alors que Oscar Arias Sánchez, président de 1986 à 1990, fut réélu à la présidence du pays."
Depuis 2010, Laura Chinchilla est la nouvelle présidente 
La présidente Chinchilla :




III La politique

  
 "Le Costa Rica, un petit pays d'Amérique centrale, n'en finit pas d'étonner plusieurs. Légèrement plus grand que la République Dominicaine, il est considéré comme la démocratie la plus vieille et  la plus stable de toute l'Amérique latine.

Genèse d'une démocratie originale

Une ère de démocratie pacifique au Costa Rica a commencé avec les élections de 1899, jugées comme les premières vraiment libres et honnêtes de toute l'histoire du pays. La tendance s'est maintenue depuis sauf pour quelques périodes venues assombrir le paysage : la période de 1917-1919 durant laquelle Federico Tinoco gouverna en dictateur, et en 1948 alors que José Figueres Ferrer mena un soulèvement armé dans la foulée d'une élection présidentielle contestée . Une guerre civile éclata alors, faisant plus de deux mille morts. On retiendra cette guerre comme ayant été l'événement le plus sanglant de l'histoire du XXe siècle au Costa Rica, bien qu'elle n'ait duré que six semaines. La junte victorieuse a rédigé en 1949 une nouvelle Constitution garantissant des élections libres au suffrage universel et l'abolition de l'armée. José Figueres Ferrer, leader du Parti de la libération nationale (PLN), devint un héros national et remporta en 1953 la première élection en vertu de la nouvelle Constitution.

Le changement de 1949 distingue ainsi le Costa Rica de ses voisins : il est le premier pays à avoir constitutionnellement supprimé son armée et à opter pour une politique sociale forte. Le niveau de démocratie élevé qu'on y retrouve résulte en grande partie de cet important virage constitutionnel.

Un véritable contraste avec ses voisins

Le Costa Rica est une république démocratique avec un système très solide de freins et de contrepoids constitutionnels . Le pouvoir exécutif est confié à un président élu pour un mandat renouvelable de quatre ans. Ce mandat coïncide avec celui du Parlement. La structure de ce dernier est de type monocaméral, l'unique chambre portant le nom d'Assemblée législative" 
(source : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=1094)

 Le Costa Rica fait ainsi figure d'exception dans une Amérique Centrale traditionnellement confrontée à une violence politique et sociale endémique :  guerres civiles au Nicaragua, au Guatemala et au Salvador, conflits sociaux violents, tentation autoritaire (pronunciamentos militaires et guérillas), et j'en passe... Comment expliquer cette stabilité relative? Il faut revenir sur la culture politique particulière du Costa Rica, et je reprendrai l'excellent article d'Olivier Dabène, certes un peu ancien (La formule politique du Costa Rica, 1988) mais tout à fait utile pour aujourd'hui. Je résume les points ici nécessaires (qu'il me pardonne...) :
- Selon lui, la structure sociale costaricienne est relativement homogène.  Les relations de domination ne se sont pas construites sur une base verticale, mais autour de la relation clientéliste horizontale d'interdépendance entre patron/peon dans l'économie cafetière. La relation économique de dépendance entre planteurs et peones  (salaires contre force de travail) a incité tous les acteurs sociaux à développer une culture de compromis permettant d'éviter la confrontation directe. Cette culture de compromis s'est transmise au jeu politique par le biais des partis politiques : le Parti de Libération National a ainsi repris, dans les années 50, la place du patron dans une relation clientéliste à son électorat. Ce jeu se prolonge encore aujourd'hui, avec des variantes thématiques (exemple : les promesses des candidats sur l'insécurité)
- La forte légitimité des institutions dans la population (" a religious faith in their political institutions") va de pair avec une segmentation forte des mobilisations sociales, segmentation fortement encouragée par une propagande politique omniprésente. Ainsi, nombre de revendications sociales en provenance des secteurs les plus déshérités ("sectores olvidados") sont directement filtrées par les partis politiques, qui représentent d'abord les classes moyennes et le secteur privé, dont l'activité de lobbying est très forte. Olivier Dabène parle de verrouillage institutionnel... On comprend dès lors la grande stabilité institutionnelle d'un système politique, qui ne laisse que peu de place à l'organisation formelle des demandes sociales dans des syndicats ou des petits partis (qui connaissent dans le système multipartisan actuel de grandes difficultés de financement public).

"Le régime démocratique instauré à partir de 1948 se serait consolidé du fait de l’impossibilité pour chaque groupe politique d’acquérir un pouvoir décisif, de dominer pleinement. C’est ce que Jacobo Schifter appelle la « neutralisation des classes »", Nathalie Delcamp ( voir http://www.irenees.net/fr/fiches/analyse/fiche-analyse-545.html).


Une précision : Le système partisan est relativement complexe : en glissant d'un système bipartisan vers un système multipartisan, le système a gagné en ouverture, mais a-t-il gagné en représentativité?
Voilà un très bon schéma retraçant l'évolution du système partisan (César Toruno Arguedas) :


Pour positionner les partis sur une échelle gauche droite, voilà les résultats des dernières élections à l'Assemblée Législative et à la présidentielle :

vendredi 6 août 2010

Petite présentation du Costa Rica I : géo-climato-volcano-sismo, etc...


Présenter le Costa Rica est toujours un peu difficile : la frontière est ténue entre observation et ethnocentrisme, entre curiosité et voyeurisme... De surcroît, le Costa Rica se prête facilement à tous les stéréotypes : paradis tropical, royaume du développement durable, république bananière, démocratie exemplaire, pour ne citer que les plus courants (il y en a de pires...). Alors, je me contenterai d'une présentation générale, la plus claire possible, avant de plonger dans le bain de mes sensations personnelles..
D'abord, une carte Google Maps du Costa Rica : ce pays de 50 660 km² est coincé entre le Nicaragua au Nord (on en reparlera), et le Panama au Sud (on en reparlera aussi), entre les Caraïbes et le Pacifique, dans la zone dite inter-tropicale (au nord de l'équateur). Un relief simple : en gros, une chaine de montagne traverse le pays du sud est au nord ouest, pour s'estomper vers la frontière du Nicaragua. De chaque côté de ces montagnes, on descend vers le Pacifique ou l'Atlantique... Facile, à priori, mais beaucoup plus complexe en réalité.... De fait, il s'agit d'une succession de cordillères (cordillère volcanique de Guanacaste, cordillère volcanique centrale, et cordillère de Talamanca qui culmine à 3 820 m au Cerro Chirripó)  et les plaines pacifique ou caraïbe ont des reliefs différents : plus humide en Caraïbe, plus accidenté en Pacifique. 

Agrandir le plan

Topographie du Costa Rica

 L'activité volcanique y est donc relativement forte : certains sont en activité constante (l'Arenal depuis une trentaine d'années), d'autres de manière plus épisodiques (l'Irazù). Voilà les principaux (en rouge, ceux qui sont en activité) :

 Nés de la rencontre de la plaque Caraïbes et de la plaque des Cocos, ils sont la manifestation visible d'une sismicité plutôt forte (66 séismes recensés en 2010 - de 2,1 à 6,2 sur l'échelle de Richter). Pour les angoissés ou les passionnés, jetez un coup d'oeil sur le site de l'Observatoire Sismique et Vulcanologique du Costa Rica ( http://www.ovsicori.una.ac.cr/index.html# ). Mais, comme toujours, entre les statistiques et l'expérience individuelle, il y a un énorme fossé : la probabilité d'être confronté à une vraie secousse est faible (parole de grec!), ce qui ne doit pas empêcher de respecter les procédures...! 


Quelques photos de volcans glanées sur le web :
 L'Arenal en éruption (© Tanguy de Saint Cyr)









Ici, le lac d'acide d'Irazù (aujourd'hui disparu :



Je reviendrai sur les volcans dans les futures rubriques...

Passons au climat :

Le Costa Rica connaît un climat de type tropical maritime, où les océans et l'altitude ont une influence prépondérante ( source : http://www.palacity.net/) :
- un climat tropical sur la côte Pacifique, avec des précipitations de 1500 mm d'eau / an.
- un climat tropical sur la côte Atlantique, avec des précipitations de 4500 mm d'eau / an.
- un climat tempéré et chaud sur le Plateau central (San José)
- un climat tempéré et froid sur les Terres froides, situées en montagne à 3000 mètres d'altitude.


- Il y a deux saisons au Costa Rica (avec les variations géographiques ci-dessus) :
1) La saison sèche s'étale de décembre à avril et constitue la période idéale.
2) La saison humide s'étale de mai à novembre : soyons clairs, il pleut quotidiennement, avec l'orage rituel de 14h qui s'étale jusqu'à 17h  (ne pas faire l'idiot comme moi : prendre un parapluie est vital, sous peine de se transformer en éponge - j'en ai fait l'expérience...). Après 17h, pause jusqu'à... 19h! Mais les pluies de soirée sont plus courtes et la nuit est relativement sèche... Conclusion, le ciel est souvent couvert : avertissement à tous ceux qui croient au mirage balnéaire - ce qui n'empêche pas de prendre des coups de soleil, surtout en altitude, par exemple sur le volcan Irazù, à 3432 m...
Voilà, la comparaison des pluviométries San José-Bordeaux :
Bref, il pleut, mais les pluies sont tropicales et brèves : elles n'ont pas le caractère déprimant du mois de novembre en France, avec ses 5 jours de bruine continue...

J'allais oublier l'essentiel : l'organisation politique du territoire!




Reste à vous présenter beaucoup de choses.... A bientôt

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